Le syndrome de la fille qui remet en cause son existence à chaque fois qu'elle prend des vacances
En musique: Benjamin Biolay - Night shop
Cela faisait longtemps. Je me demandais quand il allait revenir. Je savais bien qu'il n'était pas parti de ma vie, qu'il s'était éloigné sans jamais vraiment me quitter des yeux. On ne se refait pas. Il y a des permanences contre lesquelles on ne peut pas lutter. C'est ainsi.
Mon blues.
Quand je l'ai senti s'emparer de moi l'autre jour, c'était un peu comme une rencontre qui a l'air fortuite mais qui ne l'est pas. Comme quand quelqu'un fait semblant de tomber sur vous par hasard dans la rue, alors qu'il vous a repéré depuis longtemps. Comme quand on revoit quelqu'un qui est sorti de notre vie avec en fond de cerveau une petite voix qui vous dit "j'étais sûre qu'on se recroiserait".
Il me prend à la gorge quand il arrive. Je la sens qui se serre et les idées qui me viennent sont si noires que je suis obligée de m'arrêter. J'ai la tête qui tourne et il faut que je m'assoie. Cela peut durer quelques secondes ou plusieurs minutes. Comme si un autre prenait possession de votre corps et qu'il fallait lui laisser quelques instants pour qu'il s'y installe et que vous ne fassiez plus qu'un.
Mon blues est revenu. Il laisse encore un peu de souffle à ma sérénité si durement acquise. Mais pour combien de temps?
Est-ce que tu la connais cette angoisse-là? Celle qui se demande pourquoi tant de gens arrivent à construire, alors que toi tu ne sais que détruire ou t'installer sur des zones inondables. Celle qui se demande ce que tu as fait de mal pour être à ce point punie du bonheur, pourquoi il faut que l'on te le retire toujours après t'en avoir mis un peu sur les lèvres, pourquoi tu es à ce point vulnérable de croire encore et toujours qu'un amour fabuleux est possible. Pourquoi tu continues d'avoir de l'affection pour ceux qui ne respectent rien. Pourquoi tu n'as aucun sentiment pour celui qui est prêt à tout te donner. Pourquoi l'équilibre se rompt-il aussi vite quand tu as mis des années à essayer de l'atteindre enfin? Pourquoi les choses sont-elles aussi mal faites?
Mon blues peut me faire tourner ces questions pendant des heures sans que jamais cela ne s'arrête. Parfaitement épuisant.
Jusqu'au moment où, l'ipod dans les oreilles pour faire disparaître la voix de l'inquiétude, tu te surprends à te dire:
"Cette musique-là serait parfaite pour mon enterrement".
Remonter à la surface de toute urgence pour reprendre son souffle. Et cesser d'imaginer la suite.