Comment faire une grosse bulle
En musique: le tic tac d'une vieille horloge (mais sans le coucou)
Ce matin, au bureau, il y a eu un moment où j'ai failli prendre mon sac et partir.
J'ai frôlé cet instant, j'ai senti le vent de la balle qui effleure, et il s'en est fallu de peu. La folie a bien manqué de s'emparer de moi. Au pire ai-je eu les larmes aux yeux d'épuisement. Mais je suis restée.
J'ai reçu un email. Un simple email, envoyé pendant la nuit par une grande chef supposée en vacances (du genre de grande chef en vacances qui s'ennuie et rêve de se sentir irremplaçable, le genre de grande chef qui travaille en congés et attend de tout le monde que l'on fasse comme elle). A neuf heures, des collaborateurs allemands qui me relancent. "J'imagine que tu as bien avancé". Entre une heure et neuf heures du matin, certainement pas. Tu réponds, en faisant la grossière erreur de te justifier. Parce que le client veut une réponse avant 14h tapantes. Et que tu ne pourras pas. Sa demande est absurde, et tenter d'y apporter une solution en si peu de temps est le meilleur moyen de partir dans le mur.
A onze heures trente, l'allemand t'explique que finalement le client veut sa réponse à midi. Dans trente minutes, donc. Ce qui n'était pas possible pour 14h doit donc devenir faisable pour midi. Bien.
A cet instant de non-sens, j'ai eu le sentiment d'un train qui s'emballe et qui déraille. L'impression d'un impossible dialogue, d'une perte totale de contrôle, l'impression d'être un instrument sans pouvoir, juste un instrument, à qui l'on ne demande pas de penser mais d'obéir, dans la plus illogique des stupidités. Tais-toi. Et surtout ne te pose pas de questions. Il sera temps plus tard de t'accuser si tu t'es trompée.
J'ai failli partir. Prendre mes affaires et leur dire salut. Ne plus jamais revenir, et surtout cesser de rendre des comptes.
Le burn out, oui, quand ton cerveau grille à petit feu et que tu sens que la moindre étincelle peut allumer l'incendie. Lorsque tu sens que tu pourrais partir en vrille, emportée par la folie du monde.
Un fil m'a retenue aujourd'hui, mais je crois bien que c'était le dernier.