Ainsi va...
En musique: le grincement de la machine à pain qui te rappelle que tu es vivante (et que tu ne dors pas)
Comme dirait le pilote, "nous allons entrer dans une zone de perturbations, veuillez rejoindre votre siège et attacher votre ceinture". Si j'étais à la place du pilote, je complèterais bien par "des masques à oxygène sont à votre disposition".
Fin mai.
Le rendez-vous.
Qui me happe. Et qui me manquera le jour où il n'aura plus lieu.
Qui se rappelle à moi encore cette année. Avec la puissance ajoutée d'un autre départ, qui me hante.
Il y a tant de choses que je n'explique pas.
Ces insomnies qui reprennent depuis une dizaine de jours; ce réveil quasiment programmé en moi pour me souvenir, et ne jamais oublier toutes les questions qui me punissent. Et qui pourtant devront être classées sans suite pour ne pas arrêter de vivre.
Cet homme que j'ai vu ce soir alors que je conduisais. Il me tournait le dos, et d'où il était, c'était toi, Papa, vraiment. La même chevelure blanche bouclée, la même allure, les mêmes mains jointes dans le dos. Un choc. Je me suis arrêtée au feu rouge, sans parvenir à voir cet homme de face. Mais je ne peux m'empêcher de penser que c'est le ciel qui m'a envoyé un signe.
Cette même question qui me vient lorsque mon téléphone fixe sonne. Pourvu que ce ne soit pas de mauvaises nouvelles concernant ma grand-mère. Cette angoisse qui m'a tenu le ventre pendant tant de mois n'est pas partie avec elle. Alors je me demande souvent si ma mère m'appelle pour m'annoncer le pire. Mais le pire a déjà eu lieu. Et quelque chose en moi refuse de se résigner.
L'impossibilité à partager ce qui me grignote au fond, ces inquiétudes existentielles qui m'ont pris ma naïveté, une certaine forme d'inconscience que j'aurais aimé ne jamais perdre. Pour continuer d'espérer.
Il y a ce bonheur, plus fort chaque jour, et je le sens qui lutte pour ne pas se laisser surprendre par l'obscurité; pour me prouver que l'on peut être lucide sans perdre ses rêves.
Nous sommes fin mai; il n'y a rien d'autre à faire qu'à attendre l'arrivée de l'été.