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La Vie Trampoline
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15 février 2012

Dans la famille "Les Hystériques", je demande les tantes

En musique: Pulp Fiction - Zed's Dead

Dans la vraie vie, j'ai deux tantes. Les deux soeurs de ma mère.

Tante Chorale et Tante CasseCouilles.

Depuis toujours, je suis convaincue que la première a été victime d'un malencontreux échange de berceau à la maternité, et que la deuxième est la fille du facteur (soit dit sans offense à ma grand-mère, c'est quand même la seule blonde).

C'est la seule explication que je trouve à cette anormalité familiale.

Tante Chorale, qui vit près de Bordeaux, aurait pu aussi bien s'appeler Tante Mytho ou Tante Incurable. Sa vie entière se joue dans la maladie et depuis trente ans que je la connais, je ne l'ai jamais vue guérir de rien. Sa vie est en perpétuel péril, menacée de symptômes gravissimes et surtout extrêmement rares. J'ai cessé de la croire le jour où dans la même phrase elle m'a dit avoir traversé la Roumanie allongée à l'arrière d'une voiture pendant qu'un médecin l'opérait des intestins sans anesthésie et que le soir même, arrivée enfin à l'hôpital, elle mettait sa main sur le front d'un mourant qui se rétablissait alors dans la nuit. Bon. Depuis qu'elle sait que je ne la crois plus, j'ai rejoint les adeptes du complot, et elle continue de penser à ses pouvoirs surhumains tandis qu'elle porte sa croix. Moi, je dis, dans ces cas-là, il vaut mieux ne pas insister. Alors je l'ai appelée Tante Chorale, parce qu'elle chante. Tout le temps. Et quand tu la contraries, elle s'éloigne en fredonnant n'importe quel truc rococo-religieux, c'est assez pénible.

Tante CasseCouilles, parisienne de son état, est une emmerdeuse finie. Le genre qui pense à son pognon et à rien d'autre. Le genre chien hargneux qui te prend le mollet et ne te le lâche qu'une fois l'os bien blanc. Son trip dans la vie: pourrir la vie des gens. N'importe lesquels. Elle va s'exciter contre le voisin, contre la caissière, contre qui tu veux, et contre ma mère. Un truc freudien à mort; le genre "ta mère m'a piqué ma place à sa naissance", le genre "et je me suis retrouvée n°2 sur trois, la place du milieu la pire de toutes". Le conflit sans issue, quoi. Alors elle lui cherche des pous à l'infini sur n'importe quel sujet débile qui traine, avec des raisonnements immondes qui me donnent envie de gerber à chaque fois que ma mère partage les proses de Tante CasseCouilles.

Parce que je ne t'ai pas encore dit, mais les deux tantes ont été profs de français. Je sais, c'est inquiétant.  

Bref.

Le départ de ma grand-mère réveille les folies, les caractères, les horreurs, les mots, et les rancoeurs. Déjà, oui.

Tante Chorale a décidé de ne pas assister à l'enterrement. Elle a sorti son dossier médical et a fouillé dans les maladies contagieuses. Je lui aurais bien suggéré d'avoir la rage, mais la nausée que j'ai ressentie face à tant d'ingratitude m'a clouée sur place.

Tante CasseCouilles visite depuis deux jours les vingts cimetières de Paris. A la recherche de la place idéale. Et nous avons eu hier un compte-rendu des cinq premiers cimetières. Elle a craqué sur un petit coin tranquille accolé à une église et est en train de remuer ciel et terre (enfin, façon de parler) auprès du cabinet du maire pour que la place qu'elle a vue soit attribuée à ma grand-mère. Tu trouves ça étrange, hein? Je sais. Mais c'est bien elle, dans toute sa splendeur. Alors je lui ai dit qu'on cherchait une place, pas un appartement que l'on revendrait le double dans dix ans. Mais elle n'a pas trouvé ça drôle. Et pendant ce temps, ma grand-mère n'a pas d'obsèques, pas de sépulture, et cet irrespect me fait honte. Si honte.

Au milieu de cette famille de dingues, il y a ma mère. Qui pleure. Qui ne cesse de plier et déplier les vêtements de ma grand-mère, de les classer par taille, par saison, par couleur. Ma mère que j'ai accompagnée à la mairie et qui a retiré vingt actes de décès. Vingt. Pour être sûre. Ma mère qui parle de ma grand-mère au présent. Comme si elle allait revenir bientôt. 

Ma mère qui hier soir me dit: "Mes soeurs sont si folles que cela devrait suffire à réveiller Maman". 

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Commentaires
P
ah oui, quand même !<br /> <br /> remarque, ça te permet une galerie de portraits !<br /> <br /> j'imagine le retour de ta grand-mère pour y mettre de l'ordre ;o)<br /> <br /> pas sûr en plus que casse-couilles honore mieux sa mère si elle lui trouvait un 3* près de chez elle...<br /> <br /> enfin, ainsi va la vie et se figent les caractères.
C
P'tain, faut que je me méfie, j'ai la place du milieu aussi entre deux soeurs...<br /> <br /> Heureusement, c'est pas la règle générale, et mes soeurs, je les aime et elles m'aiment aussi.<br /> <br /> Le sordide c'est maintenant, après le décès, quand il y a des sous en jeu, peu importe combien, car souvent ça compense l'amour pas eu ou qu'on pense ne pas avoir eu. <br /> <br /> Et puis c'est un jeu chez certains de faire chier les autres pour toutes sortes de raisons et si il n'y en a pas, ils en trouvent ! Ca occupe et ils peuvent même en faire leur raison de vivre. Alors là, pas la peine de lutter. Une seule solution : la fuite !<br /> <br /> Courage à toi et à ta Maman.<br /> <br /> De gros bisous doux pour vous deux.
La Vie Trampoline
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