Les mots qui se posent sur moi comme des pansements
En musique: Adele - Set fire to the rain
Si tu savais comme le voir m'a fait du bien. Comme l'entendre poser des mots mieux que moi sur mon histoire a été libérateur et énergisant. Parce qu'enfin j'ai eu l'impression que quelqu'un reconnaissait la réalité de ma vie. Parce qu'enfin je n'ai plus entendu la voix de ceux qui me disent que je vois les choses plus noires qu'elles ne le sont; la voix de ceux qui veulent forcer la vie à paraître rose même quand elle ne l'est pas, un peu comme si se dire qu'elle est rose suffisait à la rendre vraiment rose.
Il a posé les choses une par une. Il a déroulé la bobine. Celle qui montre que le rythme que l'on donne à sa vie et celui que met l'esprit à accepter les choses n'avancent pas toujours ensemble.
Il m'a dit: ton père est mort, et les circonstances de ce décès ont été un choc dont tu n'as pas mesuré les ondes, et tandis que tous les autres sont déjà passés à autre chose, je sens bien que chez toi la terre en tremble encore.
Il m'a dit: tu n'en es qu'au début du deuil, il sera long, des dizaines d'années encore, qui sait, mais le plus vital est d'en accepter la lenteur à défaut d'accepter la mort, accepter qu'elle vive avec toi au lieu de lutter contre elle.
Il m'a dit: les fondements de ton être étaient encore en plein effondrement lorsque le Ciel t'est tombé sur la tête. Et c'est de ton couple dont il a fallu faire le deuil. Il a été facile d'effacer les meubles et la présence de cet autre, la blessure du coeur saigne encore. On écarte les gens de sa vie, on ne les élimine pas.
Il m'a dit: malgré ces deux abandons, tu es allée puiser une énergie improbable pour accorder à nouveau une confiance largement piétinée; la rencontre est belle et tu le sais, mais ton esprit a bien trop mal pour s'en réjouir. A cela s'ajoute un épuisement professionnel pour lequel la force d'en sortir te manque.
Il m'a dit: tout ça, c'est un peu trop, et stupides sont ceux qui imaginent que de telles pages se tournent vite et sans douleur. Avancer, ce n'est pas fuir en avant, c'est accepter de s'arrêter et de regarder avec lucidité mais bienveillance le chemin parcouru, accepter que le passé ne s'efface pas comme une ardoise, et accepter surtout qu'il faut du temps, courir est inutile. Avancer, c'est avoir une main dans la sienne, ne pas en dépendre mais accepter qu'elle soit là.
Puis il m'a dit: il faut te réparer car tu n'es pas en mousse; et seulement après tu profiteras des belles choses.