Maintenant, je comprends pourquoi chez la psy il y a un troisième fauteuil.
En musique: Claude Nougaro - Toulouse
Tu feras ton deuil comme tout le monde.
Il a suffi d'une seule phrase pour que tout explose. J'ai vu ma douleur gonfler comme un ballon, prendre toute la place de mon corps et s'étendre jusqu'à mon coeur. Je l'ai sentie remplacer mon sang et affluer jusqu'au fond de ma gorge. Une nausée violente et une course vers les toilettes avant que tout ne déborde. Des vomissements à vide et une tristesse incontrôlable. Au mauvais moment et au mauvais endroit.
Une phrase dont tu ne sais pas ce qui la rend si puissante sur toi. Son fond de vérité que tu refuses à tout prix de voir, le rappel du temps qui passe tandis que ton compteur est resté sur ce 30 mai qui a fait basculer ta vie.
Une phrase qui te rappelle à quel point les voix, les regards, les rires, les gestes, et les odeurs sont plus forts que toi encore, et qu'ils ont ce pouvoir de disparaître à tout moment sans prévenir. Ils s'effacent comme les vieilles photos jaunissent. Les souvenirs s'arrêtent sur des détails et tournent en boucle. Car tu n'en as pas beaucoup.
Ta douleur, c'est la peur d'oublier. C'est le manque gravé en toi qui revient sans crier gare, une piqûre brûlante qui te tient en éveil. Cesser de souffrir serait un abandon ultime, et tu t'es promis de ne jamais l'accepter. Le porter en soit pour le faire vivre encore un peu. Et la tristesse de savoir que tout cela est vain. Il veille sur toi, et tu le sais.
Tu feras ton deuil comme tout le monde.
Un immense sourire après les larmes. Ton père vient de te dire au creux du cœur de ne pas t'en faire. Entre vous, faire comme tout le monde n'a jamais été possible.
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