Le pouvoir des autres
En musique: Constance - That road
Cette nuit, j'ai renoué avec l'insomnie. Cela faisait longtemps. Et généralement, ce n'est pas bon. Car cela veut dire qu'en haut, les choses cogitent, sans forcément me dire à quoi elles cogitent.
Par exemple, cette nuit, j'ai pensé à ma grand-mère. Et à la maison de Bretagne pleine d'araignées. Que dans un demi-sommeil j'essayais de chasser en les faisant rentrer dans une bouteille en verre au goulot tordu.
Bon.
Et puis une fois bien réveillée, j'ai pensé aux autres. Et à leur pouvoir.
Leur pouvoir de t'exclure de leur vie sans prévenir. A celui de t'ouvrir la porte et de te faire rentrer dans leur monde.
A toutes ces issues que ceux qui t'entourent ont le pouvoir de rendre franchissables ou non. Sans que tu puisses y faire quelque chose. Tu ne peux pas forcer une porte qui se ferme. Même avec la plus sincère envie du monde.
Non, tu ne peux pas. Juste constater qu'elle grince un peu et sentir le verrou se tourner. Et toi derrière.
Ce sont les choses de la vie, tu me diras. Et lorsque quelqu'un te sort brutalement, un autre t'accueille les bras ouverts. L'équilibre du monde, il faut faire avec.
Ce pouvoir là, j'y ai pensé toute la nuit, et j'ai compris pourquoi à une époque je ne voyais personne. Pendant des mois entiers j'ai bâti un mur que j'avais décidé être infranchissable, avec le pouvoir de rajouter moi-même des niveaux de pierres à celui qui tentait une escalade.
J'ai repensé à cette époque où ma solitude me comblait parce qu'au fond elle était un coussin de sécurité entre moi et les autres. La meilleure manière de ne pas affronter les portes des voisins qui se ferment et s'ouvrent à l'envi, par dessus mon propre pouvoir. J'ai repensé à mon incroyable refus d'aller vers les autres pour ne pas être jugée, pour ne pas prendre le moindre risque d'être mal aimée par des gens qui pourraient compter, quitte à passer à côté de belles histoires d'amitié ou d'amour.
Je me suis demandée si je regrettais ou pas cette période. Sans ami, sans amour, sans emmerde.
Je ne me sens pas nostalgique, non. Il y a eu des rencontres formidables, des histoires aussi éphémères que fortes, d'autres qui ont duré et qui sont mortes. L'arrivée de Monsieur A dans ma vie, l'énergie d'une famille nouvelle, les belles amitiés qui résistent aux douleurs, celles qui m'attendent quelque part, je ne peux pas regretter tout ce qui arrive, non.
Mais tu vois, il y a des moments où les portes qui se ferment claquent avec une telle violence que j'aimerais, le temps de l'orage, retourner dans ma tanière et me boucher les oreilles. Protéger mon coeur qui a mal d'une amitié qui s'en va.
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