Est-ce la joie qui rend si fort? Il dit: Emma, tu es le diable
En musique: Bebo&Cigala - Lagrimas Negras
"Combien de fois faut-il rejouer la fable, pour être capable de s'en défaire? Sommes-nous condamnés à ça, reproduire inlassablement la même illusion, le même désenchantement? Tandis que Milan me regardait, je cherchais les segments invisibles qui relient les hommes, je cherchais, par-delà les différences, l'atome semblable, le dénominateur commun. J'aimais les jolis garçons, cela n'avait rien à voir avec leur visage, ni avec leur corps. Je tendais la main vers leur image, j'étais présomptueuse malgré la répétition et aveugle, je tendais la main comme si cela suffisait."
Deux heures et demie. C'est le temps qu'il m'aura fallu pour engloutir le livre de Delphine de Vigan, Les Jolis Garçons. Il est beaucoup moins sombre que Les Heures Souterraines; il offre une réflexion sur l'art d'aimer et sur le lot d'illusions qui l'accompagne.
A quel moment rêve-t-on une histoire d'amour, à quel moment cesse-t-on de voir la réalité en face, à quel moment est-on emporté par son désir de vivre les choses autrement?
Les Jolis Garçons est un livre court qui raconte trois rencontres amoureuses entre Emma, une jeune trentenaire (hem hem), et trois hommes qui traverseront sa vie. Mark, Ethan, Milan. Entre l'homme insaisisable dont on rêve si fort qu'il finit par vivre avec vous, l'homme à femmes qui ne couche qu'une fois dont on devient dingue en se disant qu'avec nous il sera différent, l'homme dont on aimerait être la muse jusqu'à ce qu'il vous déforme.
Ce livre est très bien écrit, avec quelques phrases qui vous piquent au vif, vous ramènent à votre propre histoire, à ce que vous auriez pu dire de vos rencontres. Il met le doigt sur l'impossibilité d'aimer passionnément tout en restant lucide, sur le besoin parfois de s'éloigner d'un amour trop prenant au risque de perdre la raison. Ce livre n'est pas mièvre, mais je crois sincèrement qu'il est écrit pour les femmes. Je me trompe peut-être, mais je ne pense pas que les hommes y trouveront l'écho qu'une femme amoureuse peut y puiser.
"Moi je voudrais mettre mes mains sur mes yeux, sur mes oreilles aussi, et ne plus rien voir, ne plus rien entendre qui vient du dehors, je voudrais rester au-dedans de moi-même, qu'on me laisse dans le souvenir de Marc, qu'on me laisse garder Marc pour moi toute seule, qu'on me laisse avec ce cri au fond de la gorge, et tant pis si j'étouffe".